
L’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle jouent un rôle de plus en plus important dans les soins de santé. Un médecin a déclaré sur Sermo que ces technologies présentent à la fois « un grand potentiel et [suscitent] de la peur ».
Il s’agit-là d’un sentiment que partagent beaucoup de médecins. Si l’apprentissage automatique a certes facilité d’importantes avancées cliniques et institutionnelles, la façon dont cette technologie va changer la médecine à long terme reste encore incertaine.
Lorsque Sermo a interrogé des médecins basés aux États-Unis sur le rôle que joueront l’IA et l’apprentissage automatique dans la pose de diagnostics au cours des cinq prochaines années, la majorité des participants (57 %) ont répondu que ces technologies seront probablement utilisées de manière régulière par de nombreuses spécialités.
Penchons-nous à présent sur la place qu’occupe actuellement l’apprentissage automatique dans le secteur de la santé, en examinant ce qu’est réellement l’apprentissage automatique et la réaction des dirigeants de ce secteur face à cette innovation.
En quoi consiste l’apprentissage automatique dans le secteur de la santé ?
L’objectif des systèmes d’apprentissage automatique est d’apprendre à partir de données afin d’émettre des prédictions précises, sans programmation explicite. Les modèles d’apprentissage automatique se divisent en quatre grandes catégories : l’apprentissage supervisé, l’apprentissage non supervisé, l’apprentissage par renforcement et l’apprentissage semi-supervisé.
Voici comment chaque modèle s’applique à la médecine :
L’apprentissage automatique supervisé
Les modèles supervisés apprennent à partir de données étiquetées, où chaque entrée possède une sortie correspondante connue. Pendant cet apprentissage, ces systèmes ajustent automatiquement leurs paramètres internes afin de minimiser les divergences entre les sorties prévues et les sorties réelles. Cet ajustement crée une fonction qui cartographie avec fiabilité les nouvelles entrées par rapport aux prédictions précises basées sur les relations apprises.
Par exemple, les cliniciens peuvent former un modèle d’apprentissage automatique supervisé avec des milliers d’images de mammographies étiquetées afin de détecter le cancer du sein. Ce modèle apprend ensuite à reconnaître des schémas subtils associés à des malignités en comparant ses propres prédictions aux diagnostics confirmés de radiologues.
La construction d’un modèle supervisé implique les étapes suivantes, qui correspondent grosso modo à celles des autres catégories de modèles :
- Définition de la question de recherche.
- Collecte des données pertinentes.
- Traitement préalable et classement des données en ensembles de données d’apprentissage et d’essais.
- Formation du modèle à l’aide de l’algorithme à partir des données d’apprentissage.
- Évaluation des performances du modèle à l’aide des données d’essai.
L’apprentissage automatique non supervisé
Les systèmes non supervisés traitent des données non étiquetées dans le but d’identifier des modèles ou des groupements naturels. Ils examinent la structure des données afin de détecter des similitudes, des différences ou des relations, en organisant l’information sans étiquettes prédéfinies. Par exemple, un modèle non supervisé pourrait grouper des dossiers médicaux anonymisés pour révéler des sous-groupes cachés présentant des ensembles de symptômes communs.
L’apprentissage par renforcement
L’apprentissage par renforcement (RL) forme un système (agent) pour prendre des décisions à travers des interactions environnementales. L’agent prend diverses mesures pour atteindre ses objectifs, obtenir des récompenses ou des pénalités en fonction de paramètres prédéfinis. À travers la répétition d’essais, d’erreurs et de rétroactions, ce modèle affine de manière itérative ses stratégies afin d’optimiser les récompenses cumulatives, éliminer les comportements inefficaces, et renforcer les comportements optimaux.
L’apprentissage semi-supervisé
L’apprentissage supervisé, l’apprentissage non supervisé et l’apprentissage par renforcement sont les trois principaux modèles d’apprentissage automatique. Les modèles d’apprentissage semi-supervisé sont une forme d’apprentissage moins fréquemment utilisée et plus spécialisée.
Ces modèles intègrent des composants d’apprentissage supervisé et non supervisé. Les data scientists forment ces modèles avec un ensemble de données étiqueté plus réduit (apprentissage supervisé) en relation avec un ensemble de données non étiqueté plus important (apprentissage non supervisé) et ce sont les données étiquetées qui guident l’apprentissage du modèle. Ce modèle est particulièrement utile dans les situations où l’on manque de données étiquetées, tandis que les données non étiquetées sont facilement disponibles.
L’apprentissage automatique, l’intelligence artificielle et l’apprentissage profond
Les gens utilisent souvent les termes intelligence artificielle (IA) et apprentissage automatique (ML) de manière interchangeable dans le secteur de la santé. Certains appellent également l’IA et le ML « l’apprentissage profond ». En réalité, l’apprentissage profond est un sous-ensemble de l’apprentissage automatique, et l’apprentissage automatique est un sous-ensemble de l’intelligence artificielle.
L’intelligence artificielle fait référence aux systèmes qui se rapprochent de l’intelligence humaine par le biais de règles préprogrammées ou de techniques d’apprentissage adaptatives. L’apprentissage automatique utilise exclusivement sur des algorithmes basés sur des données sans programmation explicite.
Les modèles d’apprentissage profond utilisent des réseaux de neurones artificiels dotés de plusieurs couches (profondes) afin d’extraire automatiquement des représentations hiérarchiques à partir de données. Ces réseaux permettent à ces modèles de traiter rapidement et avec précision des données non structurées.
Si tous les systèmes d’apprentissage automatique contribuent au développement de l’l’intelligence artificielle, tous les systèmes d’intelligence artificielle n’utilisent pas forcément l’apprentissage automatique. Certains utilisent en effet un raisonnement symbolique ou basé sur des règles. Il en va de même pour la relation entre l’apprentissage automatique et l’apprentissage profond. Tous les systèmes d’apprentissage profond contribuent aux modèles d’apprentissage automatique, mais l’inverse n’est pas nécessairement vrai.

Les dirigeants du secteur médical reconnaissent-ils les avantages que présente l’apprentissage automatique pour la santé ?
Sermo a interrogé plus de 100 décideurs du secteur de la santé aux États-Unis pour le savoir. La majorité reconnaissent les avantages à moyen et à long terme que présente l’apprentissage automatique. 91 % estiment en effet que l’apprentissage automatique sera fondamental d’ici cinq ans. En revanche, seuls 33 % anticipent des avantages à court terme.
En termes d’adoption, 45 % des dirigeants suivent activement les tendances du secteur du ML, tandis que seuls 25 % ont déjà adopté ces systèmes. Une grande partie du groupe des non-adoptants (21 %) reconnaissent toutefois avoir manqué des opportunités de développement pour leur établissement.
3 applications clés de l’apprentissage automatique dans le secteur de la santé
Le diagnostic d’imagerie médicale, la médecine personnalisée et l’automatisation des tâches administratives sont trois applications évidentes. Découvrons comment fonctionnent ces applications dans le secteur de la santé, avec des exemples d’apprentissage automatique et des cas d’utilisation.
1. Diagnostic d’imagerie médicale
Les modèles d’apprentissage profond dédiés aux domaine de la santé analysent des images pour détecter des pathologies. Ces modèles se prêtent tout particulièrement à des usages dermatologique, neurologique et oncologique. Les modèles d’apprentissage automatique peuvent parfois émuler les performances de spécialistes en matière de diagnostic.
Sur la base de cette idée, un membre de la communauté Sermo a fait remarquer que : « l’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage automatique permettent aux jumeaux numériques d’apprendre à partir de grands ensembles de données, d’affiner les prédictions et de proposer des recommandations. Les algorithmes d’apprentissage automatique peuvent désormais analyser l’hétérogénéité d’une tumeur et prédire sa résistance à un traitement donné… À mesure que cette technologie se perfectionnera et que les obstacles seront éliminés, les jumeaux numériques feront probablement partie intégrante de l’oncologie moderne. »
Certains médecins restent toutefois sceptiques. Une enquête menée par Sermo auprès de médecins basés aux États-Unis a notamment révélé que 71 % des participants estiment que le risque d’erreur de diagnostic dû à une dépendance excessive à l’IA est le plus gros problème que présentent ces technologies.
2. Médecine personnalisée
L’apprentissage automatique est fondamentale au développement d’une médecine personnalisée. Le développement de la médecine de précision va de pair avec le degré de sophistication croissant des modèles d’apprentissage automatique.
Un stomatologue membre de Sermo a souligné un aspect du rôle que joue l’apprentissage automatique dans la médecine personnalisée en déclarant que : « cette tendance, qui a vu le jour il y a plusieurs années maintenant, a été amplifiée par le fait que d’ici la fin de 2025, les systèmes d’IA seront capables de répondre de manière indépendante aux questions spécifiques des patients, notamment après la crise sanitaire. La santé pourra alors évoluer vers une prise en charge totalement personnalisée. »
3. Automatisation des tâches administratives
Comme dans d’autres catégories à sous-ensembles, l’apprentissage automatique se prête particulièrement bien à l’administration clinique en automatisant les facturations, en traitant les réclamations, en organisant les prises de rendez-vous, ou en gérant les dossiers de patients. Ces utilisations pratiques permettent de réaliser des économies, de réduire les erreurs humaines, de minimiser les opérations manuelles, et de simplifier les tâches dans leur ensemble.
Un médecin a publié un message sur Sermo expliquant que : « [l’apprentissage automatique] occupe une place de plus en plus importante dans les soins de santé. On l’utilise dans la recherche pour faire des découvertes, mais aussi pour recruter des participants pour des essais cliniques ; les établissements de soins s’en servent quant à eux pour automatiser leurs tâches administratives et opérationnelles, émettre des prédictions basées sur des données, soutenir la prise en charge et le diagnostics des patients, proposer des traitements personnalisés ; et plus encore. »

Les défis que présente l’apprentissage automatique pour le secteur de la santé
L’hétérogénéité des données et l’adoption clinique sont deux défis majeurs pour le secteur de la santé. Ces deux facteurs sont responsables du retard d’adoption des institutions.
Hétérogénéité, quantité et qualité des données
Les algorithmes d’apprentissage automatique utilisent de grands ensembles de données standardisés de grande qualité. Toute donnée hétérogène, biaisée ou incomplète corrompt les prédictions de l’apprentissage automatique. Ce problème peut avoir plusieurs causes :
- Incohérences au niveau des systèmes de dossiers médicaux électroniques (DME) et des normes de documentation
- Absence de mécanismes de données
- Priorisation de la prestation de soins par les soignants plutôt que de la normalisation des données
- Pathologies mal étiquetées ou mal classées, troubles englobant plusieurs endotypes sous-jacents
Un médecin a publié un commentaire sur Sermo expliquant que : « l’ apprentissage automatique pourrait permettre d’identifier les personnes susceptibles de présenter des effets indésirables suite à une exposition à des opioïdes. Des chercheurs de l’Université de l’Alberta au Canada ont commencé à utiliser une forme d’intelligence artificielle pour estimer le risque d’une visite aux urgences, de l’hospitalisation ou du décès d’un patient dans les 30 jours qui suivent la rédaction d’une ordonnance d’opioïdes… Comme avec toutes les IA, plus on dispose de données représentant des populations spécifiques, et plus le logiciel est entraîné, plus ses performances de prédiction s’améliorent au fil du temps, pour, au final, aboutir à une gestion plus efficace des opioïdes. »
Adoption clinique
Les principales préoccupations des établissements médicaux en matière d’adoption sont le risque d’erreurs prédictives, la confidentialité, la sécurité, la non-interprétabilité et la complexité. Certains médecins ont des doutes similaires. Une enquête menée par Sermo auprès de médecins basés aux États-Unis a révélé qu’environ 40 % des personnes interrogées estiment qu’une intégration inadéquate constitue un facteur de risque lors de l’utilisation de l’IA en médecine diagnostique.
Un neurologue américain a fait remarquer que : « les gens qui ont essayé d’utiliser ChatGPT, par exemple, ont constaté qu’il a tendance à « halluciner » ou à inventer des réponses lorsqu’il ne sait pas… Je ne pense pas qu’il soit utile d’avoir des réponses « hallucinées » dans les applications médicales. Et aussi et surtout, qui est responsable quand l’IA fait une erreur ? »
Un gériatre membre de Sermo a, quant à lui, déclaré que : « … il est important de veiller à ce que l’IA soit utilisée de manière éthique et responsable, et que la confidentialité et la sécurité des données des patients soient toujours assurées. »
Découvrez comment d’autres médecins utilisent l’apprentissage automatique
Une enquête menée par Sermo auprès de plus de 100 médecins a révélé que 60 % d’entre eux font appel à de grands modèles de langage (LLM), un sous-ensemble de l’apprentissage profond, afin de vérifier des interactions médicamenteuses. Et plus de la moitié utilisent ces outils pour soutenir leur diagnostic, tandis que près de la moitié les utilisent pour rédiger des documents cliniques ou des protocoles thérapeutiques. 70 % d’entre eux utilisent les LLM pour éduquer leurs patients et mener des recherches documentaires.
Le Dr Sara Farag, chirurgienne gynécologue et membre du conseil consultatif médical de Sermo, a fait remarquer que : « ces résultats ne sont pas du tout surprenants. À mesure que la charge de travail des médecins augmente parallèlement à l’augmentation des volumes d’informations, les LLM s’avèrent de plus en plus utiles pour les soignants. »
Sermo propose aux médecins un espace exclusif pour échanger leurs réflexions sur l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique ainsi que d’autres technologies fondamentales. Participez à la conversation. Devenez membre de Sermo dès aujourd’hui.