
94 % des médecins interrogés estiment qu’une prise en charge empathique améliore les résultats obtenus par les patients. Pourtant, près de la moitié (47 %) déclarent que les formations médicales traditionnelles découragent l’implication émotionnelle.1
Ce conflit illustre les dilemmes éthiques qui existent dans la prise en charge du cancer, qu’il s’agisse de trouver le bon équilibre entre traitements de pointe et qualité de vie du patient, ou de résoudre les disparités d’accès et d’abordabilité.
Comment les oncologues et les autres médecins peuvent-ils relever ces problèmes éthiques complexes dans le cadre du cancer ? Quelles mesures peuvent-ils prendre pour faire en sorte que leurs patients atteints d’un cancer bénéficient des progrès technologiques mais aussi des soins empathiques qu’ils méritent ?
Cet article explore les questions éthiques liées aux domaine de l’oncologie et présente des stratégies pratiques pour y pallier en se basant sur les connaissances d’oncologues et d’autres médecins de la communauté Sermo,
Les dilemmes éthiques liés au traitement du cancer
Quelles sont les principales questions éthiques liées au traitement du cancer ?

Trouver le juste équilibre entre traitements agressifs et bonne qualité de vie
La prise en charge du cancer présentent des problèmes éthiques complexes. Il faut considérer le rapport qui existe entre les traitements agressifs et la qualité de vie du patient, mais aussi entre les soins du cancer et l’autonomie du patient.
Dans le cas de pathologies en phase terminale, les interventions agressives peuvent prolonger la durée de vie, mais cette prolongation a un coût sur le bien-être physique et émotionnel du patient. Les médecins doivent aborder ces décisions difficiles en impliquant leurs patients et en optant pour une communication claire et honnête qui fait correspondre les schémas thérapeutiques aux valeurs et aux objectifs de chaque patient. Un médecin généraliste membre de Sermo déclare que : « en l’absence de douleur, les craintes liées au cancer peuvent être abordées de manière plus sereine. »2
Éducation et sensibilisation du public
La pédagogie joue également un rôle clé, notamment pour lutter contre la désinformation. Le refus de certains parents de faire vacciner leurs enfants contre le VPH en raison d’informations érronées souligne la nécessité de mettre en place des campagnes proactives. « l faut faire beaucoup plus pour faire taire les sites internet qui propagent de fausses informations sur ce vaccin. », 3 laissé par un médecin membre de Sermo qui traite des patients pédiatriques.
La désinformation et le manque de sensibilisation du public retardent la pose d’un diagnostic et l’administration d’un traitement adapté. Un oncologue américain membre de Sermo déclare que : « la seule chose que l’on puisse faire pour encourager la pose d’un diagnostic précoce, c’est investir dans de bons radiologues et des campagnes de sensibilisation destinées aux patients.[ efn_note]Sermo, 2024. Commentaire laissé dans l’article « Mois de sensibilisation aux sarcomes ». [Forum privé en ligne].[/efn_note]
La sensibilisation du public et la lutte contre la diffusion de fausses informations concernant la prise en charge du cancer nécessitent une approche axée sur le patient qui tient compte de la dimension éthique afin de garantir des soins à la fois justes et bienveillants.
Les obstacles à la compassion dans le cadre de la médecine moderne
L’empathie et la compassion sont essentielles pour assurer l’efficacité des soins des patients. 94 % des médecins interrogés déclarent que les patients répondent mieux à des soins dispensés avec bienveillance. Pourtant, 47 % d’entre eux estiment que les formations médicales traditionnelles découragent l’implication émotionnelle. 70 % des médecins interrogés s’inquiètent de l’impact qu’a l’élimination de la vulnérabilité dans leurs échanges avec les patients.4 Ce conflit illustre les obstacles qui empêchent les médecins d’adopter une approche plus bienveillante.
Comme l’observe un médecin sur Sermo : « le manque de formation en empathie1 exacerbe ces défis. » De plus, l’épuisement émotionnel et le burn-out, cités par 78 % des médecins interrogés, font que beaucoup de soignants sont incapables de s’impliquer de manière significative dans la prise en charge de leurs patients.5
Les conséquences sont importantes du point de vue des patients. Des soins dispensés avec froideur érodent la confiance, et créent un sentiment d’indifférence et d’isolement. « Lorsque le soignant fait preuve d’empathie, le patient a le sentiment d’être pris en charge par quelqu’un qui lui inspire confiance1. » fait remarquer un dermatologue, membre de Sermo. Cette situation nuit à la communication et à l’observance des schémas thérapeutiques. Par ailleurs, les échanges impersonnels affaiblissent les relations thérapeutiques.1

Comme l’a souligné un interniste, « la relation médecin-patientne doit jamais être sous-estimée. »
Disparités au niveau du dépistage et du traitement : rectifier les inégalités dans la prise en charge du cancer
Les disparités que l’on observe dans la prise en charge du cancer demeurent un défi critique qui est accentué par des inégalités socio-économiques, géographiques et systémiques.
Selon les membres de Sermo, ces obstacles limitent l’accès au traitement (20 %), à la pose d’un diagnostic (12 %) et à des ressources essentielles comme les vaccins contre le VPH, lesquels sont souvent hors de portée de beaucoup de bourses. Les problèmes financiers (23 %) aggravent la situation, tandis que 15 % des patients n’ont pas connaissance des soins disponibles. Les barrières géographiques, qui concernent 12 % des patients, empêchent les populations rurales ou éloignées d’accéder à des dépistages et à des traitements en temps opportun. Collectivement, ces facteurs impactent 18 % de tous les patients cancéreux.6 Un oncologue membre de Sermo déplore le fait que les nouveaux traitements pour le cancer sont moins facilement accessibles aux patients « dans les pays les plus pauvres » 7.”
Les conséquences sont graves. Les patients reçoivent souvent des diagnostics de stade avancé suite à un retard de prise en charge, ce qui entraîne des taux de mortalité plus élevés. Le stress psychologique de ces inégalités alourdit le fardeau des patients et de leurs familles.
Dans le cas des femmes, le manque d’accès aux vaccins contre le VPH est particulièrement dévastateur, et donne lieu à des décès évitables. « Le vaccin contre le VPH est disponible dans notre pays, mais son coût élevé signifie que tout le monde n’y a pas accès,3 » fait remarquer un pédiatre.
La résolution de ces disparités exige des interventions ciblées. L’élargissement des soins subventionnés, l’amélioration des connaissances des patients et la mise en place d’initiatives financées par le gouvernement peuvent combler les lacunes qui existent en matière d’accès. Une répartition plus équitable des ressources, l’amélioration de la couverture géographique, la proposition de diagnostics mobiles et la création de partenariats communautaires sont essentiels pour veiller à ce que tous les patients puissent recevoir les soins qu’il leur faut pour améliorer les résultats obtenus et sauver des vies.3

L’accès aux ressources liées à la santé mentale
L’accès aux ressources liées à la santé mentale demeure un défi éthique important dans la prise en charge du cancer. L’impact psychologique d’un diagnostic de cancer exige souvent un soutien professionnel pour prendre soin de la santé mentale. Pourtant de nombreux patients sont privés de ces services vitaux. L’intégration de psychologues ou de professionnels de la santé mentale dans les équipes de soins est essentielle pour lutter contre la détresse émotionnelle et favoriser le bien-être général du patient.2
Les médecins doivent souvent faire des choix difficiles pour répartir les ressources mises à leur disposition, en proposant certains soins à certains patients plutôt qu’a d’autres lorsque ces services sont limités. La résistance culturelle et personnelle aux interventions de santé mentale peut également créer des conflits au niveau du respect de l’autonomie et de la promotion du bien-être du patient. Dans ce type de situations, les professionnels de santé doivent trouver le juste équilibre entre le respect de l’autonomie du patient et la promotion de son bien-être général.
La communication d’informations à propos de groupes de soutien pour les patients atteints d’un cancer et leur famille est une autre étape essentielle. Ces ressources aident les patients à assimiler leur diagnostic et à relever les défis que présentent leurs traitements. Comme le souligne un médecin généraliste membre de Sermo, « même chez les patients qui n’ont pas d’antécédents de maladie mentale, le diagnostic d’un cancer change la vie.2 »
Pour combler cette lacune, les médecins doivent préconiser un soutien élargi en matière de santé mentale, et assurer à tous leurs patients un accès équitable à des soins complets.
Le rôle de l’IA dans les soins du cancer : les défis éthiques
L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les soins du cancer présente un immense potentiel, mais soulève aussi des inquiétudes éthiques importantes qu’il faut impérativement prendre en compte pour assurer une utilisation équitable et efficace.
Les principaux défis éthiques de l’utilisation de l’IA dans les soins du cancer
- Le risque de développer une dépendance excessive à l’IA
- Si l’IA peut améliorer la détection précoce du cancer, une dépendance excessive risque de diminuer le jugement clinique. « L’IA présente un énorme potentiel… mais elle ne peut pas remplacer le jugement de radiologues qualifiés,6 » souligne un chirurgien orthopédique membre de Sermo. Une surveillance humaine est essentielle pour atténuer les erreurs.
- Les préjugés des algorithmes d’IA
- Les systèmes d’IA formés sur des ensembles de données incomplets ou biaisés peuvent donner lieu à des résultats incohérents. Comme le prévient un interniste membre de Sermo « l’IA doit être soigneusement validée et il faut prêter une très grande attention à ses biais6. »
- Utilisation éthique des données
- La confidentialité et le consentement des patients sont d’autres enjeux problématiques dans la mesure où l’IA repose sur de vastes ensembles de données. « L’IA présente des côtés positifs et des côtés négatifs. Il est tout à fait possible de l’utiliser de manière incorrecte et créer le chaos. Mais bien réglementée et correctement utilisée, elle peut probablement présenter certains avantages6. » explique un chirurgien membre de Sermo.
- Trouver le juste équilibre entre expertise humaine et IA
- L’autonomie de l’IA soulève des dilemmes éthiques. « L’IA est un outil utile qui ne remplace pas l’expérience du médecin6 » souligne un spécialiste en psychiatrie.
L’IA non réglementée pourrait dépersonnaliser les soins, éroder la confiance et détruire le lien qui unit les médecins et les patients. Comme le fait remarquer un interniste membre de Sermo, « on a tendance à oublier l’importance que revêt la dimension humaine durant une consultation, l’IA n’est utile que pour obtenir des informations, elle ne peut pas remplacer le contact physique.6 »
L’intégration équilibrée de la technologie dans les soins, l’efficacité de l’IA combinée à l’empathie humaine sont essentielles pour proposer des soins éthiques axés sur le patient.
Comment les médecins abordent le fardeau économique des soins du cancer

Comment les médecins équilibrent-ils les questions liées au traitement et à leurs coûts en matière de prise en charge du cancer ?
Le traitement du cancer présente un double défi pour les médecins : il faut proposer au patient le meilleur traitement possible tout en tenant compte des réalités financières auxquelles de nombreux patients sont confrontés. Cette « toxicité financière »7 a un impact important sur les choix de traitement et les résultats obtenus par les patients. Des stratégies novatrices sont essentielles pour équilibrer la qualité des soins et les questions de coût.
Une identification précoce de la détresse financière du patient est cruciale. Lorsque les évaluations manquent de cohérence, les patients peuvent s’abstenir de suivre des traitements critiques. Aujourd’hui, seuls 31 % des médecins membres de Sermo évaluent la situation financière de leurs patients au cours de leurs consultations, tandis que 22 % attendent plutôt que les patients révèlent ces informations, ce qui ne leur permet pas d’identifier les cas les plus vulnérables.7 La mise en place d’outils d »évaluation normalisés et la formation des équipes de soins pour identifier les signes subtils de problèmes financiers pourraient combler ce fossé.
37 % des patients diffèrent ou abandonnent leur prise en charge en raison des coûts élevés de ces traitements, tandis que les charges supplémentaires, comme les coûts de médicaments à la charge du patient (17 %), les frais de déplacement pour bénéficier de soins spécialisés (13 %) et la perte de revenus pendant le traitement (20 %) accentuent ce problème7. Ces pressions financières peuvent forcer les patients à opter pour des traitements moins efficaces ou à refuser complètement les soins qui leur sont proposés.
Les interventions déployées avec succès par les membres de Sermo comprennent :
- Programmes de médicaments subventionnés (26 %)
- Programmes de subventions à but non lucratif (28 %)
- Initiatives financées par le gouvernement (22 %)
- Conseils financiers (36 %)
- Estimations de coûts claires (25 %)
- Éducation des patients à propos des ressources disponibles (16 %)7
Ces initiatives permettent de réduire les coûts à la charge des patients et donc d’atténuer leurs pressions financières tout en maintenant la qualité de leurs soins, sans pour autant éliminer certains défis de taille comme le manque de financement et les inégalités géographiques.
Message clé
Comment les médecins abordent-ils les questions éthiques liées au traitement du cancer ?
Du point de vue des médecins, les dilemmes éthiques liés au traitement du cancer nécessitent d’équilibrer l’innovation technologique, l’autonomie des patients et le lien émotionnel. Comme l’observe un médecin généraliste sur Sermo :
« Aucune décision médicale n’est facile, même dans les cas les plus simples et les plus modestes. Je pense qu’en ce qui concerne ce qui compte réellement… il faut commencer par examiner notre propre façon d’agir pour espérer faire une différence8. »
Qu’il s’agisse de résoudre des disparités en matière d’accès aux traitements, d’améliorer le soutien psychologique ou d’intégrer l’IA de manière responsable, les médecins doivent avant tout se concentrer sur des approches compatissantes axées sur le patient. En faisant le choix de décisions éthiques, de l’empathie et de l’innovation, ils peuvent renforcer la confiance, améliorer les résultats et proposer des soins équitables à tous les patients.
Participez à la conversation sur Sermo
Les professionnels de santé se réunissent sur Sermo pour partager des idées, débattre de solutions et se soutenir mutuellement dans le cadre de ces dilemmes.
Découvrez comment vos confrères traitent les question de toxicité financière, améliorent l’accès de leurs patients aux ressources de santé mentale, intègrent l’IA de manière responsable, et favorisent les soins axés sur le patient.
Footnotes
- Sermo, 2024. Les défis qui empêchent les médecins de faire preuve d’humanité. Communauté Sermo [Forum privé en ligne].
- Membre de Sermo, 2024. Commentaires laissés dans l’article « Au chevet du patient – Prise en charge du cancer ». Communauté Sermo [Forum privé en ligne]. [Consulté 14 janvier 2025].
- membre de Sermo, 2024. Commentaire laissé dans l’article « 4 290 femmes devraient décéder du cancer du col de l’utérus aux États-Unis en 2020 ». Communauté Sermo [Forum privé en ligne].
- Sermo, 2024. Sondage de la semaine : les défis qui empêchent les médecins de faire preuve d’humanité. [Ensemble de données 1125116]. Communauté Sermo.
- Sermo, 2024. Pourquoi le traitement du cancer reste-t-il un luxe dans de nombreuses régions du monde ? [Résultats de sondage]. Communauté de Sermo.
- Membre de Sermo, 2024. Commentaire laissé au cours de la 2e journée de l’article « Mois de sensibilisation au cancer du sein jours ». Communauté Sermo [Forum privé en ligne].
- Sermo, 2024. Toxicité financière et traitement du cancer : comment les oncologues soutiennent les patients à travers une a prise de décision partagée. Communauté Sermo [Forum privé en ligne].